Au jour de la publication de cet article, nous sommes au début de l’été, et tu as envie de lecture détente ! Oui, mais détente ne veut pas dire relâchement total, tu dois rester en veille ! Aussi, j’ai décidé de poursuivre dans le partage de mes passions historiques, et de te pondre un article au vitriol, spécial anecdotes historiques et droits des femmes. Là aussi, il y a de la matière !
J’ai ainsi sélectionné quelques anecdotes et déboires législatifs, qui ont été abolies il y a peu, ou pas même… Et pourtant, à les lire, tu auras l’impression que ce sont des règles moyenâgeuses ! Je précise que tout ce qui va suivre ne concerne que notre charmant pays, la France.
Et tu peux me remercier, grâce à moi, tu vas briller en société avec ces anecdotes !
Le délai de viduité
Le délai de viduité est un délai durant lequel tu ne peux pas te remarier, après séparation ou décès du conjoint. C’est une période durant laquelle tu es censée tirer le rideau sur ta vie sentimentale et sexuelle, et bien évidemment, en droit français, cela ne concerne que les femmes, et c’est un héritage du code Napoléonien (oui je pourrais aussi te parler de lui un jour, un très grand misogyne !).
Bah oui, tu comprends, vilaine fille que tu es, tu dois porter le deuil de ton époux / de ton divorce, et ce durant 300 jours, pour que la société soit sûre que si tu avais un lardon au four, il n’y ait pas de doute sur sa provenance, et sa paternité. Ah ce cher Napo, s’il s’avait !
Il s’agissait de l’article 228 du Code civil, qui n’a été abrogé qu’au 1er janvier 2005, avant-hier quoi ! Cet article disait, je cite :
La femme ne peut contracter un nouveau mariage qu’après trois cents jours révolus depuis la dissolution du mariage précédent.
Ce délai prend fin en cas d’accouchement après le décès du mari. Il prend fin également si la femme produit un certificat médical attestant qu’elle n’est pas en état de grossesse.
Le président du tribunal de grande instance, dans le ressort duquel le mariage doit être célébré, peut, par ordonnance, sur simple requête, abréger le délai prévu par le présent article, lorsqu’il résulte avec évidence des circonstances que, depuis trois cents jours, le précédent mari n’a pas cohabité avec sa femme. La requête est sujette à communication au ministère public. En cas de rejet de la requête, il peut être interjeté appel.
Donc de 1803 à 2005, notre condition de femme nous interdisait de contracter un mariage avant 300 jours après la dissolution du précédent, sauf à entreprendre des démarches administratives à n’en plus finir. Ralala ces bonhommes et leurs problèmes d’égo !
Le port du pantalon
Autre reste de cette belle période napoléonienne, où une femme, une personne trop colorée, et un chien, étaient tous mis dans la catégorie des “meubles”… l’interdiction faite aux femmes de porter un pantalon !
L’Ordonnance de 1800, joliment intitulée “Ordonnance concernant le travestissement des femmes”, précise que :
“Toute femme désirant s’habiller en homme doit se présenter à la préfecture de police pour en obtenir l’autorisation et que celle-ci ne peut être donnée qu’au vu d’un certificat d’un officier de santé”.
Moralité, en 1800, si tu as un vagin, tu dois porter une robe, c’est logique ! Sauf à prouver que médicalement tu as besoin d’un pantalon… Bon nombre de femmes ont dû se plier à cette législation, telle que Georges Sand.
Mais retiens qu’il y a tout de même eu des assouplissements législatifs : deux circulaires de 1892 et 1909 ont assoupli le régime « si la femme tient par la main un guidon de bicyclette ou les rênes d’un cheval », pas besoin de justificatif. Ouf, ils ont pensé à tout !
Cette obligation légale est évidemment largement tombée en désuétude, mais il faudra tout de même attendre le 31 janvier 2013 pour que le texte soit enfin totalement abrogé.
Donc hourra, nous, femmes, avons légalement le droit de porter un pantalon depuis 10 ans maintenant !
Le métier de croque-mort
De nos jours, ce métier est intitulé « thanatopracteur », et l’appellation a une déclinaison féminine « thanatopractrice ». C’est tout de même un peu plus chic !
Mais bon, littéralement, le croque-mort mordait les morts pour vérifier qu’ils soient bien morts, d’où le nom. Et naturellement, c’était une tache jugée trop complexe ou trop ingrate pour qu’une douce et délicate femme puisse l’exercer. Lorsque je parle du métier de croque-mort, je parle néanmoins de l’ensemble des métiers des pompes funèbres.
Il y a donc une vieille légende urbaine disant que les métiers du funéraires ne peuvent être exercés par des femmes, et que c’est retranscrit dans une vieille loi désuète. Fais la recherche sur Google, tu verras au moins une dizaine d’article citer une « un texte tombé en désuétude », mais sans plus de détails.
En réalité, outre le fait que ces métiers ne faisaient pas rêver dans les chaumières et le sexisme ambiant, c’est aussi le Code du travail qui a freiné les carrières féminines. En effet, l’article R. 4541-9 dispose :
Lorsque le recours à la manutention manuelle est inévitable et que les aides mécaniques (…) ne peuvent pas être mises en œuvre, un travailleur ne peut être admis à porter d’une façon habituelle des charges supérieures à 55 kilogrammes qu’à condition d’y avoir été reconnu apte par le médecin du travail, sans que ces charges puissent être supérieures à 105 kilogrammes.
Toutefois, les femmes ne sont pas autorisées à porter des charges supérieures à 25 kilogrammes ou à transporter des charges à l’aide d’une brouette supérieures à 40 kilogrammes, brouette comprise.
Voilà pourquoi il est rare, pour ne pas dire illégal, de voir une femme porter un cercueil, à cause du poids autorisé à porter par le Code du travail.
Ce texte est toujours en vigueur à ce jour.
Le métier de sous-marinier
Jusqu’à encore récemment, 2014 pour être exacte, la loi interdisait aux femmes de rejoindre les rangs de l’armée pour travailler dans un sous-marin (soit 20 ans après la féminisation de la flotte de surface).
Mais pourquoi diable les vagins étaient persona non grata à bord ? Outre les vieilles superstitions des marins et vieux loups de mer, il y avait aussi des croyances urbaines sur la capacité des femmes à tenir aussi longtemps en mer (et sous les eaux en l’occurrence), et évidemment, la sacro-sainte excuse bidon de l’excitation sexuelle de ces messieurs face aux collègues féminines.
Bon, visiblement, en 2014, le ministre des Armées a trouvé la parade pour faire se tenir tous ces messieurs de la marine ! A moins que ce ne soit la reconnaissance d’un énième prétexte fallacieux pour verrouiller le sort des femmes ? Ou bien une meilleure éducation des nouvelles générations de soldats ?
Toujours est-il qu’aujourd’hui, sur ce plan là, il n’y a plus aucune inégalité entre les hommes et les femmes, qui ont tout loisir de s’enfermer volontairement ensemble dans une grosse cage d’acier à 20 000 lieues sous les mers !
***
Je pourrais te citer encore des dizaines d’aberrations législatives et autres anecdotes historiques du genre, tant il y en a ! Fort heureusement, en France tout au moins, ça évolue dans le bon sens, bien qu’il reste encore des bricoles à revoir…
Retiens donc que tu peux à présent te travestir en homme en toute légalité, te marier avec qui bon te semble sans délai, hormis celui de la publication des bancs, et tu peux ensuite filer au fin fond d’un sous-marin si ça te fait plaisir ! Bon, tu devras encore attendre un peu pour porter les cercueils, il parait que c’est trop lourd… !
Cadeau bonus : pour rappel, en France, une femme a le droit de travailler sans l’accord de son mari depuis le 13 juillet 1965, ce n’est pas si loin, mais doucement, on avance. Restent les problème de la charge mentale ou encore tes interrogations sur la place de la maternité dans ta carrière professionnelle…
Et n’oublie pas de boire un coup à ma santé quand tu feras forte impression à ta prochaine soirée mondaine, avec ces anecdotes !
Enjoy !