Congé menstruel

Je t’ai quitté la semaine dernière avec mes réflexions sur le féminisme, et les raccourcis et stéréotypes qui l’entourent… Je te retrouve cette semaine, dans cette même continuité, pour parler d’un sujet féministe, qui peut vite chavirer vers la radicalité, le congé menstruel !  

Pourquoi la radicalité ? Parce que selon ton genre et/ou ton âge, les opinions divergents, et ça peut faire des étincelles ! Je dois aussi t’avouer que mon côté employeur d’une entreprise à 90 % féminisée, me rend quelque peu dubitative face à ce sujet, et pourtant, je suis totalement concernée, ayant la visite de mes “copines” tous les mois…  Eh bien oui, aujourd’hui, nous allons parler des règles ! Depuis que le monde est monde, les femmes saignent à échéances régulières, et ces flux menstruels sont sources de bien des croyances, des angoisses, des doutes, mais aussi des changements hormonaux, des maux de ventres, ou encore des douleurs bien plus importantes.  

Parmi nous toutes, que celle qui n’a jamais voulu se planquer un jour complet sous la couette durant la red alert, jette la première pierre !  

Qu’est-ce que le congé menstruel ? 

D’abord des menstruations 

Oserai-je vraiment ?! Oui j’ose, et je te rappelle ce que sont les menstruations ! Donc, une fois par mois, chaque femme en âge de procréer bénéficie, en théorie, d’une charmante période de renouveau naturel, et saigne de l’entrejambe. Ça nous coûte d’ailleurs une blinde de s’équiper en protections périodiques !  

Fiesta uterus

Les menstruations, c’est donc le moment où l’utérus organise sa fête surprise mensuelle pour expulser son invité non désiré, accompagné de crampes, d’humeurs changeantes et d’une envie soudaine de chocolat ! Enfin ça c’est pour moi 😊 Blague à part, nous ne sommes pas toutes à égalité devant le cycle menstruel, et pour certaines, cette période ressemble parfois plus à un champ de ruines qu’à une fiesta buffet à volonté. Et tout ça, ça coince pour se réconcilier avec sa féminité

Puis un congé 

Dans le même ordre d’idée, je te rappelle aussi ce qu’est un congé, dans le doute ! Il s’agit d’une période durant laquelle une personne est autorisée à s’absenter de son travail, pour vaquer à des occupations personnelles. Le congé peut aussi être la conséquence d’une problématique de santé, et dans ce cadre, on parle d’arrêt maladie. 

Bref, le congé, au sens professionnel du terme, c’est quand tu t’absentes de ton job, en accord avec ton employeur, que ce soit un accord préalable, ou un accord induit par une circonstance médicale.  

Et donc un congé durant ses menstruations  

Par voie de conséquence, le congé menstruel est donc une période d’absence accordée aux femmes pendant leurs menstruations, notamment à celles qui ont le plus de difficultés durant cette période. Jusque-là c’est bon, ça suit au fond de la classe ?!  

Coucou

Pourquoi le congé menstruel fait-il débat ? 

Un débat derrière un tabou  

Le congé menstruel vise surtout à reconnaître les défis physiques et émotionnels associés aux règles, permettant aux femmes de prendre soin d’elles-mêmes et de s’adapter à leur cycle.

Le tabou des règles n’est pas une légende ! Dois-je te rappeler qu’il y a encore peu, les pubs pour les serviettes hygiéniques était avec un beau liquide bleuté glamour ? Et autre information que j’ai apprise dernièrement, il a fallu attendre 2023 pour que ces mêmes protections périodiques soient testées avec du vrai sang par les fabriquant ! Et je t’épargne les siècles de débat sur la femme en âge de procréer qui doit être ferrée, et la femme ménopausée qui est reléguée aux oubliettes… !  

Bref, les règles c’est LE sujet tabou qui concerne pourtant la moitié de la population mondiale, connu et su de tous, mais dont on ne doit pas parler… C’est le Lord Voldemort de l’humanité, celui dont on ne doit pas dire le nom !  

Tabou

Donc, chaque mois, des millions de femmes ont leurs menstruations, et ce n’est donc pas toujours fluide et sans douleurs ! C’est ce que l’on appelle la dysménorrhée, soit les règles TRES TRES TRES douloureuses. Selon les études et les données disponibles en France, on estime qu’environ 50 à 90 % des femmes en âge de procréer souffrent de dysménorrhée à un moment donné de leur vie, et qu’environ 10 à 15 % des femmes souffrent de dysménorrhée sévère.   

Intégrer ce débat dans nos discussions, c’est quelque part légitimer ces “problèmes de femmes”, qui ont été tus durant des siècles. Encore aujourd’hui, dans certaines sociétés dans le monde, la femme qui a ses règles est vue comme impures à la réalisation de certaines tâches ! Donc, en bonne féministe que je suis, je rappelle qu’avoir ses règles fait partie du package girly, et n’est en rien une infamie !

Ce ne doit donc pas être une cause de discrimination quelconque, mais bien une cause d’adaptation sur certains sujets, et nous revoilà avec notre congé menstruel.  

Un congé rémunéré 

L’un des enjeux est aussi ici. Parce que oui, reconnaitre un droit d’absence aux femmes qui vivent des menstruations difficiles, c’est un excellent début, mais l’enjeu final est aussi d’attribuer une rémunération durant cette absence.  

Donc, dans une société progressiste, le souhait serait d’arriver à la mise en place d’un congé menstruel rémunéré pour les femmes dont l’état pendant les menstruations est incompatible avec une vie professionnelle. Et là, c’est presque le drame, parce que ça implique BEAUCOUP de choses !  

La première, et pas la moindre, c’est de savoir qui décide que les menstruations sont tellement douloureuses, qu’elles nécessitent une autorisation d’absence ? Est-ce un droit discrétionnaire pour toutes les femmes en âge d’avoir leurs règles ? Et de combien de jours chaque mois ? Est-ce un médecin qui doit le valider ? Et puis comment mesure-t-on objectivement ces douleurs menstruelles ? 

La seconde, c’est aussi celle qui fait tourner le monde, c’est la règle du pognon ! Qui finance tout ce bordel ? L’employeur ? L’Etat via une nouvelle ligne de cotisations sociales sur les bulletins de salaire ? La salariée qui pose des jours de congés payés ou RTT ? Et qui finance le remplacement de la salariée absente également ? Comme cela peut-il se gérer ? 

Et la dernière, qui fait office de pompon, quid de l’égalité femme-homme ? Les règles, sur le principe, c’est tous les mois jusqu’à la cinquantaine, et donc ne serait-ce pas une discrimination à la menstruation ? Pourquoi les hommes n’aurait-il pas droit à un congé quelconque équivalent en compensation ? Oui je sais, c’est absurde, mais c’est un argument que j’ai déjà entendu ! Et puis, autre interrogation sous-jacente, effet pervers même, cela pourrait entraîner des discriminations envers les femmes sur le marché du travail, en les considérant comme moins productives ou moins fiables que les hommes (coucou le sexisme ordinaire !). C’est en tout cas l’argument de certains opposants à ce congé menstruel. 

Donc la mise en place d’un congé menstruel rémunéré est une épineuse question.

Quid !

Le congé menstruel existe-t-il dans d’autres pays et comment ça se passe ? 

Le congé menstruel en Espagne 

L’Espagne est devenue l’un des premiers pays à introduire officiellement un congé menstruel rémunéré. Le 16 février 2023, les députés espagnols ont définitivement voté une loi créant un congé menstruel, permettant aux femmes qui souffrent de menstruations douloureuses ou de symptômes menstruels invalidants de prendre des congés rémunérés pendant cette période. Ce congé menstruel est autorisé à hauteur de quatre jours par mois, avec une preuve médicale attestant de la nécessité du congé. 

Le congé menstruel en Espagne est rémunéré, mais il n’est pas nécessairement rémunéré à 100 %. La proposition adoptée prévoit que les femmes qui prennent ce congé doivent être rémunérées, mais les détails spécifiques concernant le montant de la rémunération ne sont pas précisés dans la loi elle-même. Le montant de la rémunération pendant le congé menstruel en Espagne est déterminé par les dispositions légales sur les congés de maladie dans le pays. Cela signifie que la rémunération pendant le congé menstruel peut varier en fonction de divers facteurs, tels que les politiques de l’employeur, les conventions collectives, et la durée de l’absence due aux menstruations. 

Asereje

Pas encore de chiffres ni de retours concrets sur le sujet pour le moment, mais l’introduction du congé menstruel en Espagne est un exemple notable de la façon dont les questions liées à la santé et au bien-être des femmes sont progressivement prises en compte dans les politiques publiques.  

Le congé menstruel au Japon 

Le Japon est LE pays pionnier dans le monde sur ce sujet. En effet, depuis 1947, le seiri kyûka, le congé menstruel, est exprimé au sein du Code du travail nippon. Cette disposition légale impose donc aux employeurs d’accepter les demandes de congés pour cause de règles extrêmement douloureuses rendant le travail difficile. En théorie donc, les Japonaises peuvent s’absenter plusieurs heures ou plusieurs jours par mois pour cause de menstruations difficilement supportables. 

La raison initiale de cette avancée sociale n’est pas le féminisme, c’était surtout les contraintes d’hygiènes de l’époque, je te rappelle que nous sommes après-guerre, et que le Japon est en miettes ! 

Dans les faits, ce congé est très peu utilisé par les Japonaises actives, les chiffres récents parlent de moins de 1 %.  

Et en France ? 

En France, il n’existe pas de congé menstruel spécifique prévu par la loi. Pour autant, les femmes peuvent s’absenter pour raisons de santé, y compris en cas de menstruations douloureuses ou de symptômes menstruels invalidants, sous réserve d’obtenir un arrêt de travail ou de s’entendre pour poser un congé, avec leur employeur. En pratique, pour un arrêt maladie, cela implique des visites récurrentes chez le médecin et le délai de carence.

Divers rapports parlementaires se sont penchés sur le sujet, mais ce n’est pas allé plus loin. Une proposition de loi a été déposée par des députés écologistes courant 2023, mais pour l’heure, rien de plus. Le Sénat a d’ailleurs rejeté cette idée le 15 février dernier (encore une prise de position de Gérard L sur le corps des femmes !).

Certaines entreprises et collectivités ont mis en place des politiques de congés menstruels, telles que la ville de Saint-Ouen ou l’entreprise Goodays. Cela se place en choix d’entreprise pour améliorer la qualité de vie au travail, cela devient aussi un argument RH et un travail sur sa marque employeur. 

*** 

Je te l’ai dit en préambule, l’idée d’un congé menstruel me laissait initialement dubitative en tant qu’employeur, mais me parait cohérente en tant que femme. Sur le volet « employeur », j’avais aussi cette crainte que cela engendre une stigmatisation de certaines femmes souffrant de règles douloureuses, au sens pathologique (donc reconnue par un médecin), et puis, en pratique, en termes de gestion, c’est coton quand même ! Mais sur le volet « femme », je me dis que c’est déjà une source de problèmes en l’état, parce que congé menstruel ou non, les personnes subissant une dysménorrhée importante sont DEJA confrontées à tout ça, donc autant mettre un peu d’ordre (et de soutien). 

J’espère que ce billet poussera aussi ta réflexion ! 

Enjoy ! 

La Cheftaine, le blog dédié aux femmes du 21ème siècle

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