La foule en délire me l’a réclamé… Oui, oui, oui, je te sais IMPATIENTE de connaître la suite de ma saga de l’été, dans laquelle je démantèle tous tes rêves d’enfants ! Nous voilà donc repartis au pays des contes de fées, pour tordre le cou aux clichés que l’on t’a distillé depuis le berceau !
Dans la partie 1, je t’ai rappelé que Blanche-Neige, Cendrillon et la Belle au bois dormant étaient trois contes véhiculant de sérieux complexes et malaises… Et ce n’est pas fini ! Aujourd’hui, je vais revenir sur trois nouvelles institutions de la littérature jeunesse, et tu ne seras pas au bout de tes surprises.
Peau d’Âne
C’est LE conte préféré de ma mère ! Elle était enfant lorsqu’est sortie la version filmée de 1970, avec Catherine Deneuve et Jean Marais, je peux te dire que je suis callée sur cette histoire !
Le conte de « Peau d’Âne » a des origines anciennes et il existe différentes versions de ce conte dans de nombreuses cultures à travers le monde, avec des variations dans les détails et les personnages. Cependant, la version la plus connue est celle popularisée par Charles Perrault dans son recueil en 1697. Charles Perrault s’est inspiré de différentes sources pour créer son histoire, notamment des contes populaires oraux, des légendes médiévales et des récits mythologiques. Perrault a apporté sa touche personnelle au récit en ajoutant des éléments de la société et de la cour de son époque.
Dans ce conte, tu as la sainte trinité des clichés, soit la douce jeune princesse, les malheurs de sa vie de « fille de », et le prince charmant, sans oublier un soupçon de magie !
Voici le résumé de la Cheftaine : un royaume prospère (dans la version filmée de 1970, la richesse du royaume tient d’ailleurs à un âne magique qui ch*e de l’or !), une princesse d’une grande beauté, sa mère meurt, son père le roi est inconsolable… les années passent, le roi décide de se remarier, mais il ne trouve personne qui puisse égaler la beauté de sa défunte reine… il tombe amoureux de sa propre fille, copie conforme de sa mère, et décide de l’épouser, ce qui choque profondément la princesse… elle demande à son père de lui offrir des cadeaux impossibles à obtenir, espérant ainsi retarder le mariage. Elle lui demande des robes aux couleurs improbables, mais grâce à un lutin magique, le roi se débrouille pour satisfaire ces demandes fantasques ! Finalement, la princesse demande une robe couleur de peau d’âne, pensant que cela serait finirait le game... Mais le roi fit alors tuer l’âne le plus rare et le plus beau du royaume pour réaliser la robe de sa fille (l’âne magique dans le film !). Ecœurée et effrayée par la folie de son père, la princesse s’enfuie, déguisée en paysanne avec sa peau d’âne, et part vivre dans une petite chaumière en forêt. Elle se fait appeler Peau d’Âne. Elle chante dans la forêt, un prince qui l’entend et tombe amoureux de sa voix… il cherche désespérément à la trouver… Après de nombreuses péripéties, le prince finit par la retrouver et la reconnaît malgré son déguisement. Ils se marient et Peau d’Âne retrouve sa place de princesse (et puis dans le film, son père, le roi, débarque en hélicoptère pour lui dire qu’il a enfin compris et qu’il est désolé !)
Oui je sais ce que tu te dis : bordel ils fument quoi les conteurs ! Mais je te rappelle que les contes reflètent les préoccupations sociales, les croyances et les valeurs d’une époque ou d’une culture, et bien souvent, ils servent à transmettre des leçons morales ou des valeurs ! Donc cette pauvre princesse est dans une salle affaire, victime d’une relation incestueuse, d’une masculinité toxique, abandonnée dans un squat avec une peau d’animal mort en guise de fringue, et découverte par un prince imprésario douteux… ça sent l’exploitation à plein nez !
Les points à discuter du conte :
- Non, on n’épouse pas ses parents !
- Non, les parents n’ont pas le droit d’imposer une relation incestueuse à leurs enfants, c’est immoral, illégal et pénalement répréhensible !
- Non, l’argent ne fait pas le bonheur !
- Non, la violence envers les animaux n’est pas une solution !
- Non, chanter dans la rue et te faire repérer par le premier venu, et n’est pas synonyme de succès immédiat !
- Oui, tu as le droit de subir une crise d’identité quand tu es acculée de toute part !
- Non, l’habit de ne fait pas le moine !
Et je rajouterai que la recette cake d’amour du film de 1971 est toute pourrie !
Nous sommes visiblement dans une blessure d’abandon… Mais, comparativement à nos trois princesses précédentes, celle-là est un peu plus badass quand même ! Elle a bien compris qu’il se tramait quelque chose de louche avec son père, et a pris la poudre d’escampette ! Et puis, elle a quand même fait galérer un peu le prince avant d’accepter de convoler en justes noces. Je dirai donc que c’est un conte utile, avec des clichés certes, mais qui peuvent facilement être dépassés !
Mon conseil de lecture critique aux enfants : l’argent ne fait pas le bonheur, il faut savoir se révolter face à une injustice, il ne faut pas se laisser faire et subir des violences, les adultes sont là pour les aider à grandir, pas leur imposer leurs choix, et fuir devant les problèmes n’est pas toujours la bonne solution.
Le petit chaperon rouge
Tu connais par cœur ce classique, qui a autant de fins différentes que d’enfants apeurés par le grand méchant loup dans le monde ! Ici encore, ce conte a été retranscrit par Charles Perrault et les frères Grimm. L’idée principale repose sur une narration commune : une innocente jeune fille dévouée, un vilain loup, une grand-mère mal fichue et un homme sauveur.
Voici le résumé de la Cheftaine : une jeune fille dévouée, vêtue d’une belle cape rouge, surnommée ainsi « petit chaperon rouge », s’en va porter des gâteaux à sa mère-grand malade, qui habite seule au fin fond de la forêt (oui normal hein !). Sa mère la met en garde « surtout ne parle à personne en chemin » (oui, elle a tout compris à l’éducation celle-là !)… Sur la route, elle rencontre un loup, et ils entament une charmante conversation, oubliant les mises en garde, elle lui dit tout ce qu’elle compte faire de sa journée et où elle se rend ! Le loup se dit qu’il pourrait manger tous les gâteaux ET la délicieuse jeune fille, part alors en courant pour devancer la donzelle à destination, avale la grand-mère, se déguise et prend sa place dans son lit. Quand la jeune fille arrive, elle est surprise de l’état dans lequel se trouve sa grand-mère, avec ses poils, ses grandes mains, ses grands yeux et ses grandes dents… Et hop, elle est avalée par le loup à son tour ! Puis un bucheron passe par là, voyant le loup repu à dormir, se doute qu’il se trame un truc bizarre, lui ouvre le vente, et libère les deux femmes. Adios loup-loup !
Bon, on peut dire que cette petite souffre certainement d’une blessure d’humiliation ! Et puis si elle avait écouté les recommandations de sa mère, elle n’aurait pas fini directement dans la gueule du loup !
Les points discutables du conte :
- Non, le rouge n’est pas uniquement la couleur du pêché !
- Non, on ne parle pas aux inconnus !
- Non, on ne raconte pas sa vie à n’importe qui !
- Non, on ne laisse pas sa grand-mère vieille et malade vivre seule au milieu de la forêt !
- Non, on n’envoie pas un enfant livrer des gâteaux seul au milieu de la forêt !
- Non, les loups ne parlent pas !
- Non, personne ne trouvera ça louche de voir un loup dormir repu, en vérité, chaperon et sa mamie sont mortes dévorées par le grand méchant loup, mais ça c’est une fin traumatisante pour un enfant !
Ce conte apporte une bonne leçon à la jeune fille, si elle c’était montrée plus prudente, elle n’aurait pas fini dévorée par le loup ! Et puis, une fois encore, la douce jeune fille est courageusement sauvée par un mystérieux et bienveillant jeune homme, il n’est pas prince, mais il est son sauveur ! Quel cliché ! Personnellement, je préfère les fins alternatives modernes. Par exemple, celle où la jeune fille arrive seule à s’extirper des entrailles du loup, lui découpe le ventre pour faire sortir sa grand-mère, replace des cailloux dans le ventre, et le loup fini noyé ! Yeah !
Mon conseil de lecture critique aux enfants : se montrer prudent face à des personnes que l’on ne connait pas, ne pas parler outre mesure aux inconnus et ne pas faire confiance au premier venu, savoir reconnaitre une situation douteuse (ta grand-mère aux grandes oreilles est un signe que tu dois appeler la marais chaussée !) et apprendre les numéros d’urgence à retenir !
La belle et la bête
Le conte de « La Belle et la Bête » a des origines anciennes et son origine exacte est un peu floue… Il existe différentes versions de ce conte à travers le monde, avec des variations dans les détails et les personnages. Cependant, la version la plus connue et influente est celle popularisée par l’écrivaine française Jeanne-Marie Leprince de Beaumont dans son recueil « Magasin des enfants » en 1756.
Je vais te faire une confidence, c’est mon conte favori ! Alors oui, j’ai été biberonnée par la version Disney de 1991, mais ma préférée reste le film de Jean Cocteau de 1946 avec Jean Marais, que j’ai dû voir 150 000 fois au moins ! Je te le recommande vivement si tu ne l’as jamais vu ! Et bien sûr, comme toute personne élevée aux soaps en tout genre, j’ai aussi vu la version série TV de la fin des années 80, qui est passé 10 000 fois en rediff dans les années 90 (généralement après les dessins animés !), et dont tout le monde a oublié l’issue tellement c’était naze !
Alors mon résumé, plein de paillettes dans les yeux : Belle, charmante jeune fille innocente et douce, part à la recherche de son père, perdu en forêt. Elle découvre qu’il est retenu prisonnier dans une immense château mystérieux, que bizarrement personne ne connait alors qu’il n’est qu’à 3 kilomètres après le dernier croisement en sortant du village, par un homme-bête cruel. Elle décide de sacrifier sa liberté en échange de celle de son père, et reste captive au château à sa place. Terrifiée au début, elle mène ensuite une vie de princesse paisible auprès de la Bête, enfermés ensemble dans le château. Elle découvre que la Bête est en réalité une âme torturée, maudite par une sorcière pour son arrogance, et n’est finalement pas aussi monstrueuse qu’elle n’y parait. Le père de Belle tombe malade, elle obtient donc la permission de rendre visite à sa famille, mais elle doit revenir avant un certain délai. Malheureusement, elle arrive trop tard, et la Bête gît dans le château, apparemment morte. Belle réalise alors qu’elle aime sincèrement la Bête et lui déclare son amour. Ses larmes transforment la Bête en un beau prince, la libérant ainsi de la malédiction, puis ils se marièrent et vécurent heureux pour toujours ! Nia nia nia !
Possiblement, au-delà de la blessure d’injustice, notre chère Belle souffre visiblement du syndrome de Stockholm ! La belle ingénue qui tombe amoureuse de son ravisseur, c’est tout de même très cliché… Mais nous pouvons aussi retenir qu’elle va au-delà des apparences, et que la beauté est intérieure, c’est aussi la morale de ce conte.
Mais comme d’habitude, je te fais part des points de discussion, selon moi :
- Non, un château magnifique n’est jamais vraiment abandonné, quand il y a un flou il y a un loup !
- Non, un homme transformé en bête n’est pas nécessairement une bonne fréquentation !
- Non, on ne peut pas se contenter d’une vie à deux, enfermés dans une belle tour d’ivoire ! ça s’appelle vivre avec un manipulateur !
- Non, hélas, l’amour ne peut résoudre tout tes problèmes (mais il pourra les adoucir) !
- Non, il ne faut pas se fier aux apparences !
- Oui, si tu ne respectent pas tes engagements, il y a des conséquences !
- Non, on ne tombe pas amoureux d’un homme qui voulait t’enfermer pour toujours avec lui !
Une fois encore, ce conte met en opposition une innocente jeune fille et une situation tragique. Je rappelle quand même qu’elle se constitue prisonnière pour libérer son père ! Mais au-delà des aspects discutables que je viens d’évoquer, il nous enseigne aussi que la beauté n’est pas qu’en façade, que l’ont peut faire preuve de résilience, et que l’on peut obtenir la rédemption pour ses erreurs du passés par des actes plus nobles.
Mon conseil de lecture aux enfants : il faut leur verbaliser la morale de l’histoire, sur la beauté, la résilience et la rédemption, mais aussi leur rappeler de respecter leurs engagements et de rentrer à l’heure pour le diner !
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Tu auras sans doute remarqué que je suis moins catégorique sur cette deuxième partie, je m’adoucie sans doute ! Ceci dit, ces six contes sont tout à fait représentatifs des clichés et schémas d’éducation, transmis depuis la petite enfance : la demoiselle en détresse, les épreuves de la destinée quand elle ne fait pas ce que l’on attend d’elle, et le le brave homme sauveur. Ce sont clairement des messages subliminaux distillés depuis toujours, et qui expliquent qu’aujourd’hui, tu as du mal à t’émanciper du poids de ton éducation. Mais ça se travaille !
Et puis, nous avons quelques progrès depuis, et même possiblement une Reine des neiges étendard LGBTQIA +
Enjoy !