Aujourd’hui, j’ai envie de poursuivre mes interrogations, et mettre d’autres pavés dans la marre… J’ai envie de revenir sur le sujet de la maternité, qui est déjà bien complexe à l’échelle du microcosme de la Cheftaine, mais dont la difficulté semble décuplée dans le monde du sport ! D’ailleurs, d’une manière générale, l’égalité femmes-hommes dans le monde du sport est une épineuse question.
Je ne te parlerai donc pas aujourd’hui des différences salariales, des différences de traitement médiatique, des différences de considération de la performance du sport féminin, des différences d’infrastructures, ou bien encore des différences dans les conditions d’exercice entre les sportifs et les sportives de haut niveau- chacune de ces thématiques pourrait d’ailleurs faire l’objet d’un mémoire de fin d’étude, tiens, universitaire qui me lis, avis ! -, sans oublier les ABUS, qui commencent peu à peu à se dévoiler… Je te propose plutôt un arrêt sur image concernant la maternité de la sportive de haut niveau.
Jadis, dans une autre vie, j’avais le temps de faire beaucoup (beaucoup !) plus de sport. Je ne me suis cependant JAMAIS imaginée sportive de haut niveau, j’ai toujours vu ce type de carrière comme l’enfer ! Des heures et des heures d’entrainements, des heures et des heures de souffrances physiques, des heures et des heures de réprimandes d’un(e) entraineur(euse) hurlant(e), pour, au final, plier le game en un seul passage, ou se faire plier… Il faut avoir un mental d’acier, un goût décuplé de la performance, être prête à écouter sans réfléchir, les conseils, recommandations et ordres de sa hiérarchie, être prête à tous les sacrifices… Bref, rien que ne me faisait rêver (je précise quand même que j’adorais le basket, mais à 16 ans, j’ai arrêté parce que les matchs du samedi après-midi m’empêchaient d’aller roder avec mes cop’s !)… Non clairement, le mental de la sportive de haut niveau, ce n’était pas moi, j’étais déjà suffisamment complexée ! Et puis j’ai tendance à trop réfléchir, trop penser par moi-même, et donc remettre en question les décisions ordonnées (je n’aurais pas pu faire l’armée non plus !)
Aussi, je suis donc particulièrement admirative de celles et ceux qui donnent tout pour embrasser ces carrières (et je suis une excellente supportrice le cas échéant 😉 !)
Le culte de la performance au détriment de la féminité
Dans les disciplines sportives traditionnellement masculines, bon nombre de sportives gommes tout ce qui peut renvoyer à leur féminité. Qui ne s’est jamais fait la réflexion en regardant certaines compétitions sportives féminines « elle ressemble à un homme » ?! On leur inculque tellement la performance masculine, qu’elles entrent dans le moule à tout prix, et effacent toutes les caractéristiques physiques qui pourraient rappeler qu’elles sont des femmes !
Et les quelques femmes qui décident d’aller au-delà des « codes », se prennent des seaux de M**DE ! Je pense par exemple au traitement médiatique de Serena Williams, et ses tenues jugées alors trop extravagantes pour un court de tennis… Alizé Cornet avait eu droit aux mêmes traitement. D’ailleurs, certaines têtes pensantes de la fédération française de tennis voulaient légiférer à ce sujet !
Et à côté de ça, que ce soit en patinage artistique, en gymnastique rythmique, ou encore en Beach volley, on impose des tenues spécifiques aux femmes, qui sous des prétextes fallacieux de « bien voir les mouvements » (coucou le vieux vicelard qui a fait les règles 🙂 !), portent des vêtements parfois trop courts, trop échancrés, trop près du corps, peu confortables… Alors que les tenues de leurs homologues masculins ne sont pas autant scrutées !
Et je ne te parle même pas de LA question ultra féminine… Pas plus tard que l’an dernier, nous avons eu le droit à des tonnes de commentaires sur le fait que des sportives anglaises ne voulaient pas jouer en short blanc quand elles avaient leurs règles ! En 2022, les règles des femmes choquaient encore la place publique !
Le culte de la performance au détriment de la maternité
Depuis l’adolescence, j’adore regarder les reportages des émissions type Envoyé Spécial, Capital, Zone Interdite… En fait, j’ai toujours aimé regarder la TV, et je pense que ce type d’émission t’ouvre un peu l’esprit au monde malgré tout (je prends des pincettes avec cette affirmation, le sensationnalisme et la course aux annonceurs tronque parfois les choses…). J’ai le souvenir d’un reportage, je devais avoir 14 ou 15 ans, début des années 2000 donc, où un journaliste suivait un groupe de différentes sportives dans leurs ascension vers le haut niveau. Déjà à l’époque, j’étais admirative de ces parcours ! Et dans le reportage, la parole était donné à un entraineur, qui, de manière totalement décomplexé, disait qu’il posait toujours la même question à ses aspirantes « voulez-vous avoir des enfants ? » : si la jeune femme répondait « oui« , elle était blacklistée de ses jeunes recrues potentielles, et il le disait clairement et textuellement face caméra ! Je me souviens que le journaliste n’avait pas rebondis face au goujat, ne l’avait pas contredit, ne lui avait même soufflé que c’était de la discrimination ! Ce fut une de mes premières réactions féministes dont j’avais pleinement conscience : j’étais totalement scandalisée par les propos tenus par une figure d’autorité, scandalisée par la couverture médiatique qui lui était donnée, et scandalisée que ce qu’il osait balancer à la télé ne choquent personne !
Je ne suis pas bourrique, je comprenais bien-sûr la recherche de la performance derrière cette discrimination, et les problématiques de conciliation avec un projet de maternité, la performance sportive reposant sur un entrainement physique drastique. Mais franchement, à 18 ans, tu ne sais même pas si tu veux oui ou non un enfant, tu n’as aucune conscience de ce que cela représente !
Par ailleurs, la sportive de haut niveau sait ce qu’est le sacrifice, la rigueur, le goût de l’effort et la quête de la performance : la nénette qui répond « oui » à cette question en toute conscience, et qui veut rester dans les starting blocks, sait qu’elle devra travailler deux fois plus pour retrouver sa forme physique de haut niveau, et est consciente de tout ce que cela implique. Donc la sportive de haut niveau qui te dis qu’elle veut ET des enfants ET continuer de gagner des titres, c’est NECESSAIREMENT une winneuse !
Le culte de la performance en évolution
Le 10 mai dernier, Clarisse Agbegnenou, judokate française, a décroché un sixième titre de championne du monde dans la catégorie des moins de 63 kg. Je te tranquillise tout de suite, ceci n’est pas un article sur les prises de judo, je n’y connais ABSOLUMENT RIEN ! Ce qui fait tout l’intérêt de ce sacre mondial, c’est que l’athlète française a une petite fille de 11 mois. C’est grâce à des filles comme Clarisse, que les mentalités évoluent !
Clarisse a eu à faire à des gens intelligents, qui ont compris qu’elle avait non seulement un mental d’acier, des capacités hors du commun, et que bien accompagnée, elle pouvait faire des merveilles ! Elle a ainsi pu revenir à l’entrainement, avec son bébé dans les parages, poursuivre son allaitement, et reprendre peu à peu pied avec son métier de sportive. Elle a non seulement retrouvé son plus haut niveau, mais elle a plié le game et démontré que « OUI MONSIEUR, on peut faire des gosses et être meilleure que toi à l’arrivée, CON****RD ! » Je regrette simplement que le traitement médiatique de cette victoire n’ait pas plus été porté sur le mental de cette sportive, tout son travail, mais aussi l’implication de son entourage. C’est ce que je te disais dans mon précédent article, le soutien de l’entourage personnel et professionnel est indispensable.
Clarisse est une cheffe de file, mais d’autres ont aussi engagé le changement : Hervé Renard, nouveau sélectionneur de l’équipe de France féminine de foot, a mis le nez dans le caca à tout le monde, en affirmant lors de sa prise de fonction, que le foot féminin français n’avait « pas assez évolué » ! Le 3 mars dernier, lors de sa première convocation de l’équipe de France, il a ainsi permis à une des joueuses, Amel Majri, de se présenter au rendez-vous avec son bébé de 9 mois. Il a profité de la conférence de presse qui a suivi, pour préciser qu’il fallait évoluer, et donner aux joueuses les moyens de continuer, notamment avec des conditions d’accueil et de retour aux entrainements adaptés à cette nouvelle configuration familiale. En espérant que ce ne sont pas de belles paroles…!
Finalement, l’espoir est peut-être là : la société en général, et certains hommes en particulier, doivent comprendre qu’un individu, qu’il soit homme ou femme finalement, peut performer si on lui en donne les moyens, d’une part, et si on le place en situation de réussir, d’autre part ! Il est évident que si une jeune mère n’est pas en confiance quant à la prise en charge de son enfant, elle ne peut revenir performante au travail, et ça vaut pour TOUS les boulots ! Le monde (du sport) entre peu à peu dans de nouvelles méthodes de management, et c’est tant mieux !
Enjoy !