Aujourd’hui, 12 juin, c’est mon anniversaire ! Et en ce jour si spécial, je veux te faire un cadeau, et mettre en lumière une de mes héroïnes ! Je poursuis donc dans mes partages historiques, et vais te conter le parcours d’une femme d’exception, Gisèle Halimi.
J’ai découvert son œuvre, sa vie, et son travail, sur le tard, je devais avoir une vingtaine d’années, sur les bancs de la fac de droit. Je regrette tellement que son parcours et son apport aux combats féministes ne soient pas suffisamment relayés dans les cours d’Histoire au Lycée !
Rapide biographie de Gisèle Halimi
Gisèle Halimi était une avocate française, née en Tunisie en 1927 et décédée le 28 juillet 2020 à Paris. Sa carrière juridique a été marquée par son engagement en faveur des droits des femmes et des minorités.
Devenue avocate en 1956, elle s’est rapidement impliquée dans des affaires emblématiques, qui ont fait avancer le combat pour les droits des femmes en France, tels que : la reconnaissance des actes de tortures commis par l’armée française durant la guerre d’Algérie, la criminalisation du viol, ou encore dépénalisation de l’avortement. Tout au long de sa vie, Gisèle Halimi a été une voix forte et engagée pour l’égalité des sexes et la justice sociale. Elle a joué un rôle majeur dans l’évolution des droits des femmes en France et a inspiré de nombreuses générations de féministes.
C’est simple, lorsque j’ai su que j’étais enceinte d’une fille, il était évident pour moi qu’elle s’appellerait Gisèle ! Bon, ce fut moins évident pour mon mari, je t’épargne les débats sur le choix du prénom, et finalement, ma fille ne s’appelle pas Gisèle (mais elle ne s’appelle pas non plus du prénom ridiculement moche qu’il voulait, et toc !). Mais tout ça pour te dire que Simone de Beauvoir a inspiré des générations de femmes par ses réflexions et a mis en marche l’idéologie féministe, mais Gisèle, c’est un autre level, c’est la guerrière au bouclier, c’est à la fois Zorro, Robin des bois et Wonder Woman réunis pour la cause féministe ! Sans son éloquence, sa force, sa pugnacité et son action, ces procès emblématiques seraient restés à la rubriques « faits divers et prétoires », et les débats de société qu’elle a fait naitre, seraient restés lettre morte.
Les tortures commises durant la guerre d’Algérie
Gisèle Halimi s’est activement impliquée dans la lutte contre l’injustice et la violence, particulièrement celles commises deurant la guerre d’Algérie (1954-1962). Elle a défendu des militants nationalistes algériens et a joué un rôle clé dans la dénonciation des exactions commises par l’armée française. Lorsque j’ai moi-même fait la « découverte » de l’œuvre de Gisèle Halimi sur ce sujet précis, j’ai été particulièrement bouleversée, parce qu’au moins un homme de ma famille étaient dans l’armée durant cette guerre, que je n’ai pas connu mais que j’ai idolâtré durant mon enfance, par les propos et les exploits qui m’étaient relatés par les autres membres de la famille. Je me suis donc retrouvée en contradiction avec mes valeurs et mes croyances : j’ai alors pris conscience qu’il avait probablement était « un de ces homme-là », et que finalement, dans une guerre, il n’y a que des perdants.
En 1962 donc, Gisèle Halimi a donc assuré la défense de Djamila Boupacha, une militante algérienne accusée d’avoir posé une bombe dans un café à Alger. Son cas a attiré une attention internationale et a mis en lumière les actes de torture et violences sexuelles subies par les femmes pendant la guerre, et commises par l’armée française, grande muette immobile dans cette affaire. Gisèle Halimi a plaidé avec ferveur , dénonçant les tortures et les viols que sa cliente avait subis aux mains des soldats français. Malgré les preuves accablantes des mauvais traitements subis par Djamila Boupacha, cette dernière a été condamnée à la peine de mort. Ce n’est que grâce à la pression internationale et à la mobilisation en faveur de sa libération, que la peine de mort a été commuée en peine de réclusion à perpétuité. Djamila Boupacha a finalement été libérée en 1962, après la signature des accords d’Évian qui ont mis fin à la guerre d’Algérie.
Le procès de Djamila Boupacha a été un moment clé dans la lutte pour les droits de l’Homme (avec une grand H) et pour la dénonciation des violences faites aux femmes pendant la guerre d’Algérie. Il a permis de mettre en lumière les atrocités commises par l’armée française et a contribué à la prise de conscience de la communauté internationale.
Gisèle Halimi, alors même qu’elle perdit le procès, a été saluée pour son courage et sa détermination dans la défense de sa cliente, ainsi que dans sa lutte plus large pour la justice et les droits des femmes. Finalement, c’est bien ce que je te disais déjà avec Sandrina et Lycia : il n’y a pas d’échec, que des tentatives, pour avancer !
La dépénalisation de l’avortement
C’est LE procès que tu as dans tous les livres d’Histoires en France, qui est un des éléments fondateurs des mouvements féministes en France, et de l’évolution de la législation sur l’avortement. Il s’agit du « procès de Bobigny » en 1972, où Gisèle Halimi a défendu une adolescente, Marie-Claire Chevalier, qui avait avorté après avoir été violée, ainsi que quatre femmes majeures, dont la mère de la jeune fille, accusées de complicité ou de pratique illégale d’un avortement. Je te recommande d’écouter le podcast de France Inter sur le sujet.
L’affaire concernait donc une jeune fille de 17 ans, mineure et issue d’une famille modeste, qui avait été inculpée pour avoir avorté après avoir été violée. À l’époque, pour rappel, l’avortement était illégal en France, et des jeunes filles désespérées avortaient clandestinement, dans des conditions sanitaires parfois déplorables, et avec des risques de complications médicales importantes. Alors que les jeunes filles aisées avaient simplement à faire un petit séjour dans un pays frontalier, ou payer grassement un gynécologue arrangeant, pour faire disparaitre l’incident. Ecart intolérable entre deux mondes !
L’affaire a suscité un vif débat sur la question de l’avortement et les droits des femmes. Gisèle Halimi (avec son confrère Claude Buffet) a plaidé en faveur de la dépénalisation de l’avortement et a mis en avant les conséquences physiques et psychologiques dramatiques de l’interdiction de l’avortement sur les femmes. Elle a également remis en question la légitimité d’un système judiciaire majoritairement composé d’hommes pour juger une question intimement liée aux femmes. Ce fut un procès utilisant massivement l’opinion publique pour la cause !
D’ailleurs, ce procès a suscité un vaste mouvement de solidarité et de mobilisation en faveur des droits des femmes. Des manifestations, des articles, des débats ont eu lieu, et des personnalités publiques se sont engagées. C’est ainsi que « Le manifeste des 343 salopes » a été publiée en 1971 dans Le Nouvel Observateur. Cette pétition a été signée par 343 femmes, dont certaines étaient des personnalités publiques, des écrivaines, des actrices, des militantes et des artistes, qui reconnaissaient publiquement avoir eu recours à l’avortement, alors illégal. Gisèle Halimi figurait parmi les signataires du manifeste. Le manifeste des 343 salopes avait pour objectif de briser le silence et de sensibiliser l’opinion publique à la réalité des avortements clandestins, ainsi que des souffrances subies par les femmes en raison de la législation restrictive.
Finalement, Marie-Claire a été acquittée, mais l’affaire a mis en évidence l’urgence de réformer la législation sur l’avortement en France. Le procès de Bobigny a contribué à créer un élan pour la lutte en faveur de la légalisation de l’avortement en France. Trois ans plus tard, en 1975, la loi Veil a été adoptée, dépénalisant l’avortement en France et établissant le droit des femmes à disposer de leur corps (oui enfin, en théorie… mais c’est une autre histoire !).
Le procès du viol
Le « procès du viol » est une autre affaire emblématique de la carrière de Gisèle Halimi. Il s’agit d’un procès qui s’est tenu en 1978 à Aix-en-Provence, dans lequel Gisèle Halimi a défendu deux jeunes femmes victimes d’un viol collectif, Anne Tonglet et Araceli Castellano. Si tu ne connais pas cette affaire, je t’invite à écouter l’excellent podcast « Affaires sensibles ». Je trouve que, comparativement au procès de Bobigny, on en parle moins, alors que pourtant, à mon sens, c’est aussi une évolution essentielle et dans la lutte contre les violences faites aux femmes, et dans l’évolution de notre droit pénal.
Les faits remontent à 1974, lorsque les deux femmes belges, âgées de 19 et 20 ans, ont été agressées et violées par trois hommes à Juan-les-Pins, près d’Antibes, lors de vacances. Les agresseurs étaient membres de familles influentes et avaient des liens avec le milieu politique et économique local. Malgré la gravité des actes commis, les victimes ont d’abord été découragées de porter plainte en raison de la pression sociale et de l’influence des agresseurs. Cependant, avec le soutien de Gisèle Halimi, les deux femmes ont finalement décidé de poursuivre leurs agresseurs en justice. Le procès a attiré une attention considérable en raison de la nature des faits et de l’identité des accusés.
Gisèle Halimi a abordé ce procès avec une approche médiatique, en le faisant devenir une tribune politique, pour dénoncer les violences faites aux femmes et mettre en lumière les stéréotypes et les préjugés qui entouraient les viols. Les victimes étaient homosexuelles par ailleurs, mais à l’époque, on était à 10 millions d’années de parler d’homophobie en sus ! Elle a plaidé avec passion en faveur des victimes et a dénoncé les discriminations de genre qui existaient dans le système judiciaire. Bien que les accusés aient été condamnés en première instance, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a finalement annulé les condamnations en invoquant des vices de procédure. Cette décision a suscité une grande indignation dans l’opinion publique et a été largement critiquée.
Le « procès du viol » a néanmoins eu un impact significatif sur la législation française. Il a contribué à sensibiliser l’opinion publique aux questions de violence sexuelle et a joué un rôle dans l’évolution des lois concernant les viols en France. La législation française a ainsi évolué, puisque jusqu’alors, les viols étaient considérés comme des délits, c’est à dire des infractions pénales au même rang que les méfaits du quotidien, type fraude à l’assurance ou vol à l’étalage. Depuis 1980, le viol est un crime en France, soit l’infraction pénale la plus élevée, puni de quinze ans de réclusion criminelle.
Gisèle Halimi a été saluée pour son rôle dans ce procès, sa défense des victimes et son engagement à faire évoluer les mentalités et les lois en matière de violences sexuelles. Elle a été une figure pionnière dans la lutte contre les violences faites aux femmes.
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Voilà, en ce jour de célébration de ma venue sur Terre, j’espère que je t’aurais un peu transmis de ma passion pour Gisèle, ses combats, ses actes, et que tu auras pu y puiser un peu d’inspiration. Elle ne baissait pas les bras, se battait pour des causes qu’elle estimait juste, a pris beaucoup de portes dans la figure, mais ne se décourageait pas, et passait donc par la fenêtre quand il le fallait !
Enjoy !