Tiens, ça faisait longtemps que je n’avais pas servi de titre racoleur… Sois tranquille, tu ne verras rien de choquant ou de curieux dans cet article, et tout le monde gardera ses vêtements sur son dos et ses mains bien sagement dans ses poches !
La période estivale étant plus sujette au relâchement, je me permets un petit article au titre sulfureux… Mais je te rassure, seul le titre reste sulfureux. Alors, pour te situer un peu le mood du jour, au commencement de cette idée d’article, il y a deux choses.
La première, c’est une interview de l’artiste Ovidie que j’ai vu passer sur les réseaux sociaux. Il faut savoir que j’apprécie beaucoup son travail, notamment en ce qui concerne l’évolution et les dénonciations des dérives du porno, ainsi que l’image de la femme que cela renvoie. Donc généralement, quand je vois passer un truc d’Ovidie, je suis tout ouïe ! Et là, elle parlait de la notion de désir, et du fait que l’imaginaire collectif nous faisait croire que si on ne copulait pas 2 à 3 fois par semaine avec son conjoint, on n’était pas dans la norme ! Bref, elle déculpabilise pas mal de choses.
La seconde, c’est ma suggestion Netflix pour la série TV qui se veut un biopic « librement inspiré » de la vie de Rocco Siffredi, célèbre acteur porno. Alors oui, j’assume les propositions de l’algorithme de ma plateforme de streaming 😅, et je te rappelle qu’ici on ne porte pas de jugements ! J’ai donc regardé la série, sans grande conviction, ne connaissant pas vraiment la vie de ce cher Rocco pour juger du réalisme de cette production. D’ores et déjà, je te préviens, si tu penses la regarder pour les scènes de sexe, passe ton chemin, tu seras déçu ! Finalement, tout ce que j’ai retenu de cette série, c’est que le porno mainstream dans lequel ma génération a grandi, et qui alimente encore les canaux principaux aujourd’hui, n’est pas franchement réjouissant pour la condition des femmes… Et nous voilà donc sur mon billet du jour !
Ah oui, pour les non-anglophones, mainstream = grand public, donc quand je parle de porno mainstream, il s’agit du courant majoritaire sur le marché.
Le porno mainstream, d’une manière générale, influence le cinéma traditionnel. Les deux courants s’inspirent l’un de l’autre en réalité. Et la façon dont les relations hommes-femmes sont dépeintes dans le porno rejaillit nécessairement dans le cinéma. N’oublions pas que l’histoire de l’industrie pornographique est d’abord celle de la censure, donc à partir du moment où le cinéma est plus libéré, je te laisse imaginer ce que cela engage de l’autre côté. Et par voie de conséquence, donne des modèles biaisés à notre société.
Le porno mainstream : l’image de la femme
Je vais te faire une confidence : je n’ai jamais regardé un film porno en entier ! Alors j’ai vu la collection des Emmanuelle et compagnie, tu sais les films de seconde partie de soirée sur la 6ème chaine, estampillés « interdit aux moins de 16 ans », mais pas vraiment la catégorie au-dessus, celle dite des « films X ». La raison est simple : je suis chaste et pure, évidemment 🤣 !
Non, plus sérieusement, j’ai toujours eu l’impression de regarder un reportage animalier, croisé avec un très mauvais navet. Entre les gros plans sur des endroits que j’ignore moi-même sur mon propre corps, l’improbabilité gymnique, ou encore le scénario plus que prévisible, et l’ordonnancement classique du rapport sexuel surjoué par Madame et presque expiatoire pour Monsieur, je préfère avoir piscine !
Tout vient de là : l’image de la femme renvoyée par le porno mainstream est désastreuse. Ceci dit, celle de l’homme n’est pas franchement mieux non plus. Et le pire, c’est que des millions de personnes dans le monde sont persuadés que dans la vraie vie, c’est comme ça que ça se passe, le sexe ! Ce qui fait que l’on se retrouve, au mieux, avec des rapports peu qualitatifs, et au pire, avec des relations femmes-hommes totalement déconnectées. Et là, c’est le cercle de la frustration qui commence !
Réfléchis toi-même deux secondes. Quand tu penses « actrice porno », comment projettes-tu la dame ? Une nana plutôt jeune, mince, lèvres pulpeuses, forte poitrine, peu de gras sur le fessier et aucune pilosité ? Bienvenue dans le monde des bisounours du porno ! Et curieusement, les messieurs ne sont pas tous classe mannequin, eux. Eh bien c’est ça le porno mainstream, un regard biaisé sur le corps et la sexualité des femmes.
Le porno mainstream : la culture du viol
Autre élément nauséabond dans le porno mainstream, qui fait que je ne m’y retrouve pas non plus, c’est la culture du viol. Dans la série TV sur Rocco, il y a une scène qui passe rapidement, et qui m’a bousculé : le personnage principal est en plein tournage avec une charmante jeune femme, ils concluent leur affaire au-dessus des toilettes, why not, caméra en place, et là, Monsieur met la tête de Madame dans les toilettes et tire la chasse d’eau, tout en continuant ses allées et venues. Normal quoi !
Cette scène existe vraiment dans un des films de Rocco Siffredi. Et d’après mes recherches, purement professionnelles of course, ce n’est pas un film de genre, qui pourrait s’expliquer par certaines mœurs (oui il en faut pour tous les goûts après tout, pas de jugement si tout le monde est consentant !), non, c’est un porno basique grand public.
Et cette notion de la femme objet, nécessairement consentante à la bagatelle sous toutes ses formes, elle conduit vers quoi ? Vers la culture du viol. Mais hélas pour les femmes, ce mouvement provenant du courant porno, se disperse ensuite dans les films plus classiques, et nous en revenons aux polémiques de certaines œuvres, telles que le Dernier tango à Paris, qui a littéralement broyé l’actrice Maria Schneider. Plus près de nous, citons encore la trilogie des Cinquante nuances de Grey, où la jeune femme vierge et innocente se retrouve dans une relation sadomaso, avec un type qu’elle essaye de larguer à plusieurs reprises. Tu comprends le malaise derrière tout ça ? L’image que cela renvoie de la femme, qui finit toujours par céder, parce qu’elle aime ça au fond d’elle, et son « non » veut dire « oui ». Bah non, en fait !
Le porno mainstream : peut-on le dépoussiérer ?
C’est à ce moment-là que nous retrouvons Ovidie, qui a fait quelques tentatives cinématographiques à ce sujet, et d’autres réalisatrices qui tentent de féminiser le porno, car oui, le porno se veut aussi féministe ! Il y a également la littérature, qui s’empare du phénomène, avec un boom des livres dits de New Romance, et même un courant de littérature érotique féminine (et féministe !), avec Octavie Delvaux par exemple, ou encore le collectif Hold Up 21, avec notamment de la chroniqueuse Maïa Mazaurette. Finalement, nous sommes nombreuses à vouloir nous réconcilier avec notre féminité 😉
Il y a aussi l’avènement des podcasts « olé olé », et tu as foisons de choix sur le sujet, qu’il s’agisse de programme d’écoutes érotiques comme Le son du désir ou Voxxx, mais aussi des émissions de récits de femmes se réappropriant leur sexualité, comme Bliss Hot Stories, que je te recommande chaudement, sans mauvais jeux de mots (d’ailleurs, je te recommande tout l’univers de Clémentine Galey, à commencer par son podcast Bliss, pour une maternité décomplexée !). Alors oui, on peut dépoussiérer le porno mainstream ! Et heureusement !
Les jeunes générations sont nées avec Internet et l’immédiateté de toutes les informations, y compris la pornographie. Il est important de déconstruire les croyances transmises par ces mauvais reportages animaliers d’antan, et que chacun comprenne que le sexe, ça ne se fait pas comme ça. J’ai l’impression que depuis Me too, les productions cinématographiques « traditionnelles » intègrent d’ailleurs mieux cette évolution des mœurs, avec des personnages qui demandent explicitement le consentement à leur partenaire avant de continuer leur « échange ». On progresse dans le bon sens !
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La route est encore longue, et déconstruire le mythe auprès de tous ceux qui, comme moi, ont grandi avec les clichés du porno mainstream, prendra du temps… Mais avec un peu d’ouverture d’esprit, c’est possible !