Femmes entreprenantes : Jupiter Phaeton, écrivain est un vrai métier !

Jupiter Phaeton

Bienvenue dans cette interview !

Si tu me suis depuis peu, tu ne sais pas que je nourris une petite passion pour l’écriture, et que j’ai d’ailleurs achevé mon premier roman. Je suis une nana qui s’intéresse à tout, c’est d’ailleurs terrible au quotidien, car je me disperse dès que je trouve un nouveau sujet de prédilection. Mes proches n’arrivent pas toujours à suivre, et la plupart n’essayent même plus… Donc concrètement, quand je me lance dans une nouvelle discipline, je veux tous savoir ! Je fais des recherches, je lis des tonnes de trucs, écoute des heures de podcasts, et je fais tout pour être incollable sur mon nouveau sujet. Ces quatre dernières années, je me suis donc formée à la location courte durée, au wedding business, à la création de site web, au SEO, aux réseaux sociaux, à tout le tintouin pour tenir mon blog, et à présent au monde de l’écriture, tout en continuant de travailler à temps plein et de vivre ma vie ! Une nana hyperactive je te dis.

Dans le monde du livre, il y a l’édition traditionnelle et l’autoédition, avec des auteurs qui tentent de moderniser et de dépoussiérer le modèle (ancestral) existant. L’autoédition a ses détracteurs, mais force est de constater que lorsque l’on a une ligne de conduite claire, et l’envie d’entreprendre, on met un sérieux coup dans la fourmilière de la « vieille » édition. Dans ce milieu là, il y un auteur francophone qui, en bientôt 6 ans, a plié le game, c’est Jupiter Phaeton. 

Jupiter, ce sont des chiffres fous entre 2018 et 2024 : plus de 70 livres publiés, plus de 400 000 exemplaires vendus, des traductions allemandes, anglaises et polonaises, un chiffre d’affaire mensuel moyen de 15 à 20 000 €, et plus d’un million d’euros en cumul depuis son lancement. Elle a réussi le pari de vivre pleinement de l’écriture, et ce depuis le premier mois, tout ça grâce à sa démarche entrepreneuriale. 

Alors, autant te dire que quand j’ai envoyé mon pauvre mail d’invitation à cette interview, je n’avais que peu d’espoir d’obtenir une réponse… Et elle fut positive en moins de 24 heures ! Avec tout ça, Jupiter est en plus trop sympa ! Continue ta lecture pour la découvrir pleinement.

JUPITER PHAETON : PRÉSENTATION  

Présente-toi : qui es-tu, d’où viens-tu et que fais-tu ? 

Je m’appelle Jupiter Phaeton et je suis autrice à temps plein, ou auteur, comme on veut ! Je viens de la région parisienne, et depuis cinq ans, je vis en Dordogne. Et j’écris des romans d’Urban Fantasy, essentiellement en autoédition.  

Petite parenthèse, pour quelqu’un qui n’y connait rien, c’est quoi de l’Urban Fantasy comme genre littéraire ? 

C’est une histoire qui se déroule dans un monde contemporain, généralement en ville, avec des vampires et des loups-garous. Donc concrètement, tu imagines Twilight, mais chez moi, il n’y a pas beaucoup de romance. 

OK, donc ta vie professionnelle aujourd’hui, c’est autrice à temps plein, et depuis quand grosso modo ? 

C’est tout à fait ça, depuis 6 ans, depuis août 2018. Auparavant, j’ai eu plusieurs expériences professionnelles, et la dernière à cette époque, était dans les nouvelles technologies, puisque j’étais chef de projet dans les logiciels.  

Quel a été l’élément déclencheur à ce virage professionnel ?   

J’ai toujours voulu être écrivain, et ce depuis que j’ai 11 ans, mais on m’a dit que ce n’était pas un vrai métier… Et puis j’ai lu un livre de développement personnel, The One Thing : passez à l’essentiel”, de Gary Keller, qui m’a vraiment mis les choses en perspective, pour redéfinir mes priorités. Cela faisait déjà un an que j’écrivais tous les matins, avant d’aller travailler, j’avais 28-29 ans, et je me suis dit que pour faire de mon rêve une réalité, il fallait que je m’y consacre pleinement. Je ne voulais pas le regretter toute ma vie… J’ai donc quitté mon emploi, un peu du jour au lendemain, et je me suis lancée ! 

Ah oui, tu as osé ! Mais tu ne t’es pas posé de questions ? La trouille de comment remplir le frigo et payer les factures, par exemple ? 

Ah si, si, si, c’était extrêmement stressant financièrementEn réalité, j’ai reçu du soutien de la part de mon entourage : mon colocataire m’a épaulé financièrement, ainsi que ma meilleure amie. J’étais en galère… je peux le dire maintenant, et ils m’ont permis de concrétiser ce projet. Je les ai remboursés depuis, mais sans eux, je ne m’en serais pas sortie ! Je me suis lancée avec 0 € de côté, quand j’ai quitté mon job, j’ai foncé tête baissée, et je me suis donnée à fond ! Je m’étais fixé 6 mois pour percer, et au-delà, j’avais un plan B, avec un retour dans le salariat, puisqu’une entreprise était intéressée par mon profil.  

Donc tu avais un petit plan de secours malgré tout, pas trop tête brûlée non plus ! 

Oui, tout à fait, c’était un petit peu réfléchi… Mais uniquement dans les grandes lignes ! 

JUPITER PHAETON : ÉVOLUTION 

Ce nouveau projet professionnel était-il évident pour toi ?  C’était quoi, avec le recul que tu as maintenant ? 

C’était fou ! Je déconseille à tout le monde de faire comme moi, en tout cas, pas de se lancer sans filet de sécurité. La sécurité financière c’est extrêmement important. J’ai eu la chance d’avoir été soutenue, et j’ai pu m’en sortir. J’ai bossé comme une dingue, et j’en vis depuis le premier mois. C’est une aventure extraordinaire, jamais je ne regretterai ce que j’ai fait… Mais ça aurait pu beaucoup moins bien se passer ! 

Oui, parce que finalement 6 mois, c’est court pour lancer une activité, quelle qu’elle soit, non ? 

Oui, effectivement… D’autant plus que les revenus via KDP, la plateforme autoédition d’Amazon, puisque j’y suis pour l’essentiel dessus, sont payés sur ton compte à 60 jours fin de mois. Donc les premières ventes, tu ne les touches que bien plus tard. Même si j’ai réussi à faire 2 000 € de chiffre d’affaires le premier mois, en août 2018, ce qui dépassait déjà mon objectif à terme, je ne les ai pas touchés avant début novembre… Et il fallait vivre pendant ce temps ! Et il fallait aussi réinjecter de l’argent pour les couvertures, les corrections… ce n’était pas si simple. 

Donc tu avais une stratégie dans ce cas ? Un stock de manuscrits à dépoussiérer ? Ou bien tu y es allée avec le dos de la cuillère ? 

J’avais écrit des séries quand j’avais 11-12 ans… L’idée de base était présente, mais bien sûr il fallait tout réécrire. J’en ai d’ailleurs envoyé une à une maison d’édition, que je n’ai pas voulu autoéditer, et ensuite non, je me suis lancée seule. Au 1er juillet, une fois libérée de mon job salarié, j’ai écrit mon premier roman, qui a été publié le mois suivant. Je n’avais donc pas de stock, j’étais en flux tendu. 

Question de profane, mais comment définis-tu l’autoédition comparativement à l’édition traditionnelle ?   

L’édition traditionnelle, c’est ce que la plupart des gens connaissent. C’est un auteur qui va déposer son livre en maison d’édition, et celle-ci va l’accepter, ou non d’ailleurs. La maison d’édition va ainsi travailler avec l’auteur sur le manuscrit et va avancer tous les frais. C’est elle qui va s’occuper de la couverture, de la correction, du maquettage… Elle va s’occuper d’imprimer les livres, de les distribuer en librairie, de la campagne de communication, du plan marketing… Le risque repose entièrement sur la maison d’édition, du moins celle à compte d’éditeur. L’auteur, lui, va recevoir un pourcentage sur les ventes, qui est assez bas en France parce qu’il y a beaucoup d’acteurs sur la chaîne du livre, entre 7 et 10 %, parfois 12 % pour les grands auteurs qui ont bien négocié. 

Dans l’autoédition, le nombre d’acteurs sur la chaîne est considérablement réduit. Il y a l’auteur, puis généralement une plateforme entre l’auteur et le lecteur. Dans l’édition traditionnelle, il y a l’auteur, la maison d’édition, l’imprimeur, le distributeur, le diffuseur et la librairie. Ensuite, en dernier lieu, le lecteur. Ça fait donc beaucoup de maillons, et donc tout autant de personnes à se servir sur le même gâteau ! L’autoédition, c’est vraiment l’idée d’aller par le chemin le plus direct qui mène au lecteur. Donc il y a un intermédiaire, la plateforme d’autoédition, principalement Amazon aujourd’hui, et celui qui prend les risques, qui avance les frais, c’est l’auteur. Et par conséquent, celui qui récupère la plus grosse part du gâteau, c’est aussi l’auteur. 

C’est un peu comme les agriculteurs qui font de la vente directe finalement ? 

Exactement. 

Ce choix de l’autoédition, il était immédiat pour toi ? Comme tu dis que tu as envoyé un manuscrit à une maison d’édition. 

J’ai envoyé un livre en maison d’édition, mais je savais que les délais pour me répondre seraient trop longs, surtout si tu remets dans mon contexte de l’époque : j’avais 6 mois devant moi ! Je l’ai donc adressé en soumission en me disant « on verra bien », mais en attendant ce n’est pas avec ça que je vais vivre. Et j’ai commencé à produire, vraiment une production d’ampleur, en me disant que ce sont les nouveaux romans qui me feraient vivre, et l’autoédition s’est imposée d’elle-même, parce qu’elle me permettait de générer des revenus rapidement. 

Finalement, tu t’es directement lancée dans une démarche entrepreneuriale finalement, non ?

Oui, on peut le dire. J’avais déjà une première expérience passée dans l’entrepreneuriat, donc ce n’était pas totalement inconnu pour moi, j’avais conscience de ce que c’était, et du travail que cela impliquait. 

C’est une notion à intégrer pour qui se lance dans l’autoédition, il faut avoir la fibre de l’entrepreneuriat.  

Ah oui, tu dois toucher à tout ! Tu as toutes les casquettes : directeur financier, directeur marketing, directeur de publication… tout en étant auteur. Donc oui, il faut être motivé. 

Six ans plus tard, tu réalises un chiffre d’affaires conséquent, et bravo ! Mais pour arriver à de tels résultats, combien de temps de travail par semaine y consacres-tu ? 

J’adore ce que je fais, donc je ne compte vraiment pas mes heures… Et puis à présent, je travaille moins qu’avant. Il n’y a pas si longtemps, je bossais, sans trop de problèmes, 10 à 12 heures par jour, 7 jours sur 7. C’est un rythme de vie et de travail qui n’est pas fait pour tout le monde, et je tiens à rassurer aussi, on n’a pas besoin de bosser autant pour réussir ! C’est juste que j’aime ce que je fais, c’est à la fois ma passion, mon métier et c’est ça qui nourrit aujourd’hui les collaborateurs de mon entreprise. Donc quand je me lève le matin, même si je ne suis pas motivée pour écrire, parce que ça arrive bien sûr, je suis motivée pour payer ceux qui travaillent avec moi, donc c’est une autre motivation qui prend le dessus. 

As-tu créé une société, avec tes propres salariés ? 

Oui, j’ai créé ma propre maison d’édition, et je suis accompagnée quotidiennement par une équipe de prestataires freelance, parce qu’on bosse tous de chez nous et que les lois sur les salariés à distance, je ne les ai pas encore assez bien étudiées. Ça leur permet aussi de prendre d’autres clients s’ils le souhaitent.   

Et sous quelle forme sociale exerces-tu ? 

J’ai créé une SAS, société par actions simplifiées. Pour la petite histoire, lorsque je l’ai créée, il était impossible d’être reconnu artiste auteur en étant autoédité, parce que c’est un statut juridique spécial en France. Par ailleurs, je dépassais les plafonds de la microentreprise. Donc l’idée de la SAS me permettait de contourner ces problèmes, c’était un moyen de devenir gérant de mon entreprise, mais de ne pas me rémunérer en tant que gérant, pour me faire un contrat d’édition de moi, gérante, à moi, autrice, et de prétendre au statut d’artiste auteur. Ce qui est drôle c’est que j’ai fait tout ce montage, mais l’année suivante, il y a eu une réforme, et les deux statuts, autoédité et artiste auteur, sont à présent compatibles  

Quelle a été ta plus grosse erreur dans cette nouvelle vie professionnelle ? Ou bien quelque chose que tu aurais fait différemment avec le recul ? 

Alors des regrets, non, parce que tout ce qu’on fait, toutes nos erreurs, nous apprennent quelque chose… Mais il y a des choses que j’aurais bien aimé faire autrement. Peut-être, ne pas me lancer dans la romance, même si c’était sympa, et rester vraiment focalisée sur l’Urban Fantasy et la FantasyÉgalement, à un moment donné, j’avais recruté beaucoup de personnes, parce que j’ai ouvert les soumissions de manuscrits, pour éditer d’autres auteurs. Mais en fin de compte, c’était beaucoup plus difficile pour mon entreprise d’éditer quelqu’un d’autre que moi… Donc maintenant, ma maison d’édition n’édite que mes propres romans. Et ça, si j’avais connu les résultats avant de le faire, clairement, je ne l’aurais pas fait ! 

Et a contrario, qu’estimes-tu être ta plus grande réussite ?   

Je dirais les marchés étrangers. C’est quelque chose que très peu de gens savent, parce que mon lectorat, et la communauté que j’ai bâtie, sont principalement en France, mais mes romans sont aussi présents en Allemagne, en Pologne et sur les marchés anglophones. Aujourd’hui, une bonne partie de nos revenus proviennent des marchés étrangers, pour lesquels je ne lève presque pas le petit doigt ! En Allemagne, je travaille avec une maison d’édition d’une part, et en autoédition traduite, d’autre part. En Pologne, les droits ont complètement été cédés à une maison d’édition et sur les marchés anglophones, il y avait eu un commencement par nous-même, mais finalement, les droits viennent d’être cédés à des maisons d’édition. Ce sont des revenus basés sur du travail que j’ai déjà fourni et qui ne me demande pas plus de temps, car ce sont des romans qui sont déjà sortis en France. L’idée était vraiment de pérenniser l’activité. Car même si je produis beaucoup de romans, que je produis vite, ce qui est super, il faut bien envisager de sortir du cercle, pour ne plus dépendre de ma prochaine production. Aujourd’hui, j’ai plus de 70 livres publiés, donc forcément, le catalogue est très bien installé financièrement, même si je n’avais pas une sortie tous les mois, je continuerais de générer du chiffre d’affaires… Mais je voulais aller plus loin, et adapter ces romans, en audio et sur les marchés étrangers. À présent, il y a des royalties qui proviennent d’Audible par exemple, sans qu’il y ait d’efforts supplémentaires à fournir, j’ai juste cédé les droits à la plateforme, et ils font tout le boulot, l’enregistrement, la publicité, etc. Je n’investis pas d’argent sur ces adaptations. C’est le même raisonnement sur les marchés étrangers.  

Je rebondis ! 70 romans en 6 ans, ça fait une douzaine par an si je compte bien, et toute la production repose sur toi. Tu dors un petit peu la nuit… ou comment ça se passe ?! 

Je dors super bien la nuit ! C’est juste que je suis très, TRES, entrainée à écrire. J’écris très vite. C’est vraiment un process et une organisation parfaitement optimisée. Puis j’adore ça et je le fais à temps plein ! Donc forcément, quelqu’un qui a un job à côté, il va mettre beaucoup de temps à écrire un roman… Moi j’ai 24 heures dans une journée, même si je dors et si je fais d’autres choses de ma vie, pour écrire. 

OK, et peux-tu nous en dire plus sur ton organisation et ta méthode ? Tu écris 7 à 8 heures par jour ? 

Alors non, je n’écris pas 7 à 8 heures par jour, parce que je suis chef d’entreprise aussi, donc j’ai beaucoup d’autres choses à faire qu’écrire. J’arrive à écrire 1h30 à 2 heures par jour, parfois un peu plus, mais j‘écris entre 7 500 et 10 000 mots par jour. 

Ah oui, donc bien rodé ! 

Oui, très bien rodée ! 

Qu’est-ce qui est, ou qui a été, le plus difficile pour toi, à concilier pour devenir auteur professionnel, et ta propre patronne finalement ? 

Alors j’avais déjà été « patronne » avant, donc ce n’était pas le plus difficile. Je pense que le plus difficile, ça reste le management. J’ai la chance aujourd’hui d’être entourée, d’avoir trouvé les bonnes personnes, qui sont hyper indépendantes, autonomes, vraiment force de proposition. C’est génial parce qu’on travaille tous à distance, et le management à distance c’est quand même très différent du management dans une entreprise où on se voit tous les jours. Aujourd’hui, j’ai vraiment de la chance de ce côté-là, parce que je n’ai pas toujours eu des personnes comme ça dans mon équipe. J’aime que les collaborateurs soient autonomes et ce n’est pas facile de trouver des profils comme ça, qui restent investis sur la durée avec cette distance géographique. Mais ça m’a appris que finalement, la clé, c’est vraiment le recrutement ! 

Oui, c’est un peu la clé dans toutes les entreprises, quelle que soit sa taille.  

Oui, tout à fait. Tu peux croire qu’en consacrant beaucoup de temps à tes collaborateurs, ça va changer quelque chose, bien sûr il faut les aider, il faut les accompagner, c’est notre mission en tant que manager, mais la réalité est que tous les tempéraments ne sont pas faits pour toutes les organisations. 

Aujourd’hui, t’estimes-tu plutôt artiste auteur ou chef d’entreprise ?   

Quand on demande quel métier je fais, chez le médecin par exemple, pour vérifier ma position au travail j’imagine, je dis toujours que je suis écrivain. Je pense pourtant que la partie chef d’entreprise me prend plus de temps, mais aujourd’hui, je me considère avant tout comme écrivain. 

Ça te tient à cœur de te présenter en tant qu’écrivain ? 

En fait, je crois que les rares personnes qui le demandent, veulent savoir ce que je fais de mes journées et comment je gagne ma vie. Si je dis que je suis chef d’entreprise, ça ouvre tout de suite des questions sur mon activité, le nombre de collaborateurs, les locaux… Et ça fait tout de suite un peu prétentieux aussi je trouve. Tandis que si je dis que je suis écrivain, ils vont juste me demander dans quel genre j’écris, et ensuite, ils rebondiront en me demandant quel est mon vrai métier ! Mais l’information qu’ils retiendront, qui est importante, c’est que j’écris. Et ça s’arrêtera là. 

Et justement, en parlant de métier, n’as-tu pas des éditeurs traditionnels qui essayent de te débaucher maintenant ?  

Si ça m’est arrivé. Mais maintenant, je suis trop « grosse » pour qu’il puisse le faire. Typiquement, si une maison d’édition voulait m’acheter ma série Magic Academy en France par exemple, et que je devais céder mes droits, ça veut dire que je devrais les dépublier. Donc moi, je me couperais des revenus que cette série me rapporte. J’ai calculé que je toucherais probablement des revenus à travers la maison d’édition probablement 2 ans après, car la temporalité dans l’édition traditionnelle est beaucoup plus longue. Je pense qu’il faudrait qu’ils alignent 6 chiffres d’avance, pour que je m’y retrouve, que je sois protégée, même s’ils se foirent ! Même si je cède aujourd’hui mes droits, en 2024, le moment où le livre arrive au planning de publication, 2025, et le moment où je touche mes premiers revenus, 2026, il se sera passé de longs mois… Ça veut dire que j’ai déjà un an et demi, quasiment 2 ans, où je dois faire tampon, avec mon équipe à payer, mes charges… Donc pour me protéger il faudrait que je demande une avance d’au moins 100 000 €, et aucune maison d’édition ne me versera ça ! Donc ça ne m’intéresse pas. Et puis, personne n’investit autant dans mes livres que moi. 

Et puis, j’imagine que maintenant tu as une communauté solide, essentiellement sur Internet, il n’y a peut-être pas d’intérêt à grossir les tirages ? 

Il y aurait un intérêt pour pousser la porte des librairiesMais les librairies nous contactent déjà d’elles-mêmes et nous refusons, parce que c’est trop d’efforts pour nous, ça ne nous rapporte pas, on est à perte en réalité. Si on inclut mon temps de production, c’est encore plus dramatique ! Et la loi interdit de vendre à perte, et puis ce n’est pas intelligent non plus. Quand bien même on arriverait à être à peu près à l’équilibre ou en positif de quelques centimes d’euro, ça ne vaut pas l’effort fourni pour 1 € par livre vendu. Donc aujourd’hui, on dit non en librairie, mais si je suis publiée dans une maison d’édition française traditionnelle, ça m’ouvrirait très certainement les portes des librairies que je n’ai pas ouvertes aujourd’hui, et la librairie, c’est 80 % du marché du livre… Donc je suis coupée de 80 % de mon marché en France actuellement. 

Mais à l’étranger, en revanche, ça ne m’a pas gêné de céder mes droits à des maisons d’édition. Parce que ce sont des marchés que ne je connais pas, que je ne maitrise pas. Par exemple, la Pologne, typiquement, ce n’est pas un marché où moi j’irais toute seule. M’implanter en Allemagne, je l’ai fait seule d’abord et ça s’est bien passé. C’est d’ailleurs ce qui a attiré l’œil de la maison d’édition. Donc, ce sont plutôt des actions faites pour entrer sur un marché. Elles doivent être très mesurées. Tu dois être très adapté à la culture locale, tu dois savoir sur quelle plateforme ton lecteur commande, où tu dois faire de la publicité… Ça demande beaucoup d’efforts. Donc c’est plus facile pour moi de donner mes droits à des maisons d’édition sur les marchés étrangers. C’est moins risqué. Et comme je continue de produire des séries, si demain je veux quand même intégrer ce marché moi-même, j’écris plus vite que les maisons d’édition achètent mes droits, donc je pourrai, j’aurai une nouvelle série. 

OK, et là, tu es essentiellement en Europe, envisages-tu de t’attaquer au marché nord-américain par exemple, puisque tu as déjà traduit tes livres en anglais ? 

Oui. Je viens de retirer de la vente anglophone la série Magic Academy, notamment parce qu‘on a vendu les droits à une maison d’édition, qui va les sortir aux États-Unis, au Canada et en Angleterre. 

Jupiter international du coup ? 

On verra ce que cela donnera ! 

La solitude du dirigeant, comment la vis-tu finalement ? Parce que même si tu as des collaborateurs, j’ai l’impression que tu es très seule sur le process, non ? 

Alors non, vraiment, mes collaborateurs sont extraordinaires ! J’ai deux personnes avec lesquelles je suis en contact quotidiennement, donc si j’ai des questions ou des choses à gérer, ils sont là et ils ont très bien compris qu’il fallait me libérer le plus de temps possible pour que j’écrive, parce que c’est ça qui me rapporte. J’ai vécu la solitude du dirigeant, mais depuis que je les ai dans l’équipe, non, je peux dire que je ne me sens pas seule. 

D’accord, et au-delà du sentiment de solitude, question d’ordre pratique, tout repose uniquement sur toi, et demain et tu es immobilisée pour X ou Y raisons, as-tu déjà anticipé ce risque-là justement ? 

Oui, j’ai eu à l’anticiper, parce que j’ai été opérée deux fois des cervicales, et possiblement une troisième à venir. La première fois, ça s’est fait complètement dans l’urgence, je n’avais pas pu anticiper et le lendemain de mon opération j’ai dû travailler… J’avais été opérée la veille et le lendemain, j’étais en train d’écrire dans ma chambre d’hôpital ! J’écrivais 10 minutes par 10 minutes, je ne pouvais pas plus longtemps… Mais je l’ai fait. Je ne voulais pas revivre cette situation une seconde fois. J’ai repoussé la deuxième opération au maximum possible, pour préparer mon entreprise à mon indisponibilité, surtout que l’opération pouvait présenter des complications, car il y avait ce risque également. J’ai fait en sorte qu’on ait de l’avance de publication et de l’avance en trésorerie, pour être sûre que s’il m’arrivait un truc, que je ne pouvais pas écrire pendant les 3 à 6 mois qui suivaient, l’entreprise survivrait et que tout le monde pourrait être payé. Et j’ai tenu mon pari, je suis arrivée sereine à l’opération, et elle s’est très bien passée. 

Oui, diriger c’est prévoir, parait-il ! Et dans le même ordre d’idée, où te vois-tu dans 10 ans ?    

Je ne sais pas … Je crois que j’écrirai toujours et je serai toujours chef de mon entrepriseJe suis en train de travailler sur un second projet d’activité, on va vendre des puzzles. Alors ça donne l’impression que ça n’a rien à voir avec ma première activité, mais il faut savoir que je fais beaucoup de puzzles, que j’en parle sur mes réseaux sociaux, et qu’une fois que j’ai fait un puzzle, je l’offre à quelqu’un dans ma communauté. Donc il y a déjà cette habitude de me voir faire des puzzles, qui s’est aussi développée autour de moi. Ensuite, on fait des puzzles qui sont liés à mes séries de romans. Donc là, l’idée, c’est d’ouvrir une entreprise dédiée au puzzle, mais qui aurait toujours un lien avec mes livres. Donc mes lecteurs peuvent aller acheter mes puzzles, et les gens qui aiment les puzzles peuvent aussi revenir vers les livres. 

Donc effectivement, tu penses à beaucoup de choses, je suis très admirative !  

JUPITER PHAETON : INSPIRATIONS 

Quelle est ton héroïne dans l’Histoire, et pourquoi ?   

Taylor Swift. C’est une business woman extrêmement admirable. Elle a changé l’industrie de la musique ! En tant que femme, c’est extraordinaire ce qu’elle a fait, parce que les femmes dans l’industrie de la musique étaient très mal vues pendant très longtemps par l’industrie elle-même, pas par les gens qui écoutent la musique. Elle a complètement changé le mode opératoire de comment on s’édite dans la musique, elle a changé la manière dont les contrats sont rédigés, elle a fait flancher Spotify, en retirant sa musique pendant plusieurs années pour qu’ils rétribuent mieux les artistes… Elle est précurseur dans bien des domaines, et elle applique une stratégie incroyable ! Elle réfléchit 3 à 4 ans à l’avance, c’est juste hallucinant ! Elle fait aussi des choses inédites, que d’autres diraient impossibles, comme un concert qui dure 3h45 ! J’adore sa musique, mais j’admire vraiment son côté business woman. 

Quelle faute t’inspire le plus d’indulgence ?   

J’ai beaucoup d’indulgence, l’erreur est humaine, donc on s’en fiche ! Néanmoins, la faute qui m’inspire le moins d’indulgence, c’est celle qui est répétée quatre fois ! 

As-tu un mantra / une devise / un dicton / une citation qui te motive ou qui te guide ?   

C’est une citation d’Erin Hanson, et elle dit « What if I fall? Oh, but my darling, What if you fly ? ». C’est un dialogue entre deux personnes, et il y a une personne qui dit « Et si je tombe ? » Et l’autre lui répond, « Ah, mais ma chérie, et si tu t’envoles ? ». 

Que dirais-tu à la femme que tu étais il y a quelques années, avant d’amorcer ce changement de vie professionnelle ?   

Tu vas y arriver. 

Quelle est LA chanson qui te motive quand tu as le moral dans les chaussettes ?   

I can do it with a broken heart de Taylor Swift justement.  

***

Ne t’avais-je pas prévenu ? Le parcours de Jupiter est très inspirant, et permet aussi de souligner que OUI il est possible de vivre de sa passion, mais OUI cela demande du travail, de l’investissement et de l’organisation. No pain, no gain !

En plus de son activité d’auteur, Jupiter a rejoint un mouvement d’auteurs indépendants, qui, ensemble, ambitionnent de professionnaliser et fédérer la communauté des auteurs entrepreneurs. Parce que OUI écrivain est un vrai métier ! Si tu veux en savoir plus sur Jupiter et découvrir son univers littéraire, rendez-vous sur son site web, tu ne seras pas déçu. Tu peux aussi suivre son actualité sur sa page Instagram.

Un vrai plaisir, merci Jupiter !

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